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Journal d'un Instit
16 mai 2008

Suite du Chat LeMonde.fr

PMeirieuParmi les réformes actuellement en cours, y en a-t-il une que vous acceptez sans réserve et une autre que vous rejetez sans réserve ? Et pourquoi ? 

Philippe Meirieu :  Je joue mon joker. Il y a peu de mesures que je sauverais ; elles se font dans un contexte qui globalement est une remise en question de la notion de service public. On joue massivement sur la concurrence systématique entre les personnes, entre les écoles, les établissements et les universités. On fait l'hypothèse que la qualité ne sera obtenue que par la concurrence, alors que je crois que la qualité ne peut être obtenue que par une concertation approfondie et une véritable réflexion de fond avec tous les partenaires du système éducatif. 

Si monsieur le président vous proposait le poste de ministre de l'éducation, l'accepteriez-vous ? quelle serait votre première réforme ?   

Philippe Meirieu :  Je pense qu'il est inutile de s'intéresser à des hypothèses aujourd'hui totalement absurdes. Le président de la République et le ministre de l'éducation ne cessent de dénoncer le pédagogisme dont ils affirment que je suis le principal représentant. 

Je suis d'ailleurs très choqué par cette stigmatisation qui n'a à mes yeux qu'un véritable objectif : écarter la vraie question, qui est "que fait-on des élèves qui ne veulent pas apprendre ?". Les pédagogues n'ont cessé de poser cette question et le font encore obstinément.

Le gouvernement actuel répond par des "y a qu'à" et "il faut que". Il pense que s'intéresser à la mobilisation des élèves sur leurs apprentissages est de la démagogie et du temps perdu, alors que je crois que c'est la seule condition pour une véritable démocratisation. 

Si on ne traite pas de la question du désir d'apprendre, seuls ceux qui ont trouvé leur panoplie de bon élève au pied de leur berceau vont réussir à l'école. Sous prétexte de réalisme, la politique d'aujourd'hui tourne le dos à tous les acquis de la pédagogie. 

Elle est plus proche du formatage que de l'éducation, et si je devais souhaiter une chose, ce serait qu'on réhabilite le patrimoine et la formation pédagogiques dans tous les domaines. Célestin Freinet, Maria Montessori, Anton Makarenko, Lorenzo Milani, Pestalozzi, Oury, ont beaucoup de choses encore à nous apprendre. 

Si nous ne les écoutons pas un peu, nous allons vraiment sacrifier une génération d'élèves. Les méthodes qui ont "fait leurs preuves", ce sont eux qui les ont proposées et ce sont eux qu'il faut écouter. 

Eh oui monsieur Meirieu, j'ai parfois le sentiment que les professeurs passent plus de temps à faire de la pédagogie qu'à enseigner. A qui la faute? 

Philippe Meirieu : Pour moi, enseigner, c'est faire de la pédagogie ! Je ne vois pas comment on peut faire de la pédagogie sans enseigner. Enseigner, c'est inventer des moyens pour transmettre des savoirs, et c'est cela la pédagogie. 

Que pensez-vous du retour de l'autorité et de la morale à l'école ? 

Philippe Meirieu :  L'école est effectivement un lieu où l'on apprend à obéir à une autorité légitime et à respecter les autres. Mais pour moi, cela ne peut se faire que dans une pédagogie active et coopérative : c'est ainsi que les élèves découvrent la nécessité de la loi, c'est ainsi qu'ils élaborent les règles nécessaires au fonctionnement collectif, c'est ainsi qu'ils comprennent la nécessité du respect réciproque, de l'entraide, et de la solidarité. 

La véritable morale, c'est celle que l'on fait vivre aux élèves. D'ailleurs les élèves ne s'y trompent pas. Ils n'ont plus aucune confiance dans les adultes qui leur disent trop souvent : "faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais."

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