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Journal d'un Instit
30 mai 2008

L'échec scolaire concerne plus les garçons que les filles...

fillePourquoi les filles réussissent-elles mieux que les garçons à l'école ? Que ce soit en Europe ou plus largement dans les 30 pays de l'OCDE, elles sont plus nombreuses à être diplômées de l'enseignement secondaire et supérieur et sont moins en échec scolaire que les garçons.

Seul bémol, si elles sont nettement meilleures en compréhension de l'écrit, elles sont un peu à la traîne des garçons pour leurs notes en mathématiques, selon l'enquête internationale PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves). Enfin, elles s'orientent moins vers des filières scientifiques (mathématiques, sciences et écoles d'ingénieurs).

Alors, les filles auraient-elles des prédispositions innées à la réussite scolaire ? La question aurait de quoi faire se retourner Paul Broca dans sa tombe. Au milieu du XIXe siècle, l'éminent chirurgien et anthropologue avait supposé que "la petitesse relative du cerveau de la femme (dépendait) à la fois de son infériorité physique et de son infériorité intellectuelle".

Depuis, des neurologues ont tenté de trouver des origines cérébrales aux différences entre les sexes. Catherine Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l'Institut Pasteur, démonte toutes ces études dans un petit livre tonique. Ainsi, l'aptitude au langage, souvent présentée comme plus développée chez les femmes, avait-elle été imputée, selon une expérience de 1995, au fait que celles-ci mobilisaient leurs deux hémisphères cérébraux, tandis que les hommes n'en utilisaient qu'un seul. Des études ultérieures ont infirmé cette hypothèse.

Autre exemple, en 1982, des anatomistes avaient observé que le faisceau de fibres qui relient les deux hémisphères du cerveau était plus large chez la femme que chez l'homme. Cette observation n'a pas non plus été confirmée par des études à plus grande échelle. "Remettons les neurones à l'heure, explique la neurobiologiste, les capacités biologiques cérébrales sont identiques pour les deux sexes, et garçons et filles ont les mêmes aptitudes. Pour expliquer les différences, il faut se référer aux stéréotypes socioculturels et aux comportements qui en découlent."

ANALYSE DES STÉRÉOTYPES

A la naissance, seulement 10 % des neurones sont connectés entre eux, les 90 % des circuits (synapses) restants vont se construire par la suite en fonction de l'environnement, social, culturel et familial. "Au fur et à mesure que ses capacités mentales se développent, poursuit Catherine Vidal, l'enfant va apprendre à s'identifier au masculin et au féminin."

Christian Baudelot et Roger Establet, deux sociologues spécialistes de l'éducation, ont analysé ces stéréotypes. Dès 1992, ils ont avancé que les formes traditionnelles de socialisation des filles étaient plus conformes aux attentes de l'école. "L'éducation des filles se fonde encore aujourd'hui sur la docilité, au sens étymologique de capacité de réceptivité, d'écoute, assure Christian Baudelot. Et, à l'école, on vous demande d'abord d'intérioriser les règles."

Les filles feraient, par ailleurs, davantage l'objet de la part de leurs parents d'une "sollicitude inquiète", tandis que les garçons, moins soumis à cette surveillance, se construiraient davantage en dehors de l'école et sur des valeurs masculines très différentes. "La culture offerte aux garçons met l'accent sur l'héroïsme, la violence et la démonstration de force : toutes valeurs qui les dotent d'un arsenal antiscolaire", considèrent les deux sociologues. Par ailleurs, les enseignants étant en grande majorité des femmes, l'identification est plus facile pour les filles.

Une quinzaine d'années plus tard, Baudelot et Establet ont enrichi cette analyse d'une vision plus dynamique. Les filles ne sont pas seulement formatées pour les études, mais "elles adhèrent positivement à leurs choix". L'école est le lieu où elles font très tôt l'expérience qu'elles peuvent être les égales, voire meilleures, que les garçons. Elles prennent davantage de plaisir qu'eux aux activités culturelles classiques. Selon des données de l'OCDE, 51 % des filles de 15 ans lisent au moins un livre par mois contre 37 % des garçons. Par ailleurs, leurs mères les poussent davantage que par le passé à devenir indépendantes.

redoublementUNE SOCIALISATION FAMILIALE

"Les filles sont conscientes du fait que les études sont le vecteur principal de leur émancipation. leur réussite est également le fait d'une dynamique historique et d'une évolution de la société, explique Catherine Marry, sociologue, directrice de recherche au CNRS. Les attentes parentales sont aujourd'hui les mêmes en termes de niveau d'études pour les enfants des deux sexes mais demeurent différentes en termes d'orientation."

Au final, les filles continuent d'être sous-représentées dans les filières scientifiques. "Elles restent victimes de l'imaginaire social des métiers, constate Catherine Marry, et se projettent dans des professions supposées convenir aux qualités des femmes, comme l'attention aux autres." La sociologue qui a étudié des réussites scientifiques de femmes explique leur parcours par une socialisation familiale particulière. "Ces fillles avaient pour la plupart des mères de culture scientifique, souvent professeurs de mathématiques, analyse-t-elle. Elles avaient fait l'objet, vis-à-vis de leur frère, de culture égalitaire, y compris de la part du père."


Hommes, femmes, avons-vous le même cerveau ?, de Catherine Vidal, éd. Le pommier, 2007, 56 p., 4,60 €.

Quoi de neuf chez les filles ?, de Christian Baudelot et Roger Establet, Nathan, 2007, 141 p., 14,95 €.

Pour en finir avec la domination masculine, de Catherine Marry et Ilana Löwy, Les empêcheurs de penser en rond, 2007. 338 p., 20 €.

Martine Laronche

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